Préparer un projet, le méditer, le caresser, mettre en oeuvre des choses pour y arriver, toucher du bout des doigts ce qu’il y a à façonner, tout cela suffit parfois à combler l’envie de réalisation.
Le puissance du désir ou la joie des brouillons.
L’argile avant son passage au four.
L’entrainement avant la compétition, le spectacle, l’abandon.
Le cheminement avant le point de vue.
La mise en oeuvre avant les répétitions.
L’article sans publication.
Bien sûr, Sartre dirait que « ce sont nos actes qui déterminent ce que nous sommes » alors il semblerait que la pensée simple ou les projets tronqués n’aient pas de valeur s’ils ne sont pas jusqu’au-boutistes mais parfois, une simple projection dans l’imaginaire, suffit. De manière magique. Une ode aux rêveurs en somme.
Ne pas les voir depuis si longtemps m’a meurtri. Travailler la distance, la séparation, l’élasticité du cordon est pour moi un défi de tous les jours. Un vrai effort d’acceptation. Alors, j’ai sincèrement eu dans l’idée de faire la route, dans ma bicoque et avec mon portefeuille troué. J’ai appelé mon petit monde pour le prévenir de mon arrivée. L’excitation m’a stimulé, les sourires du téléphone m’ont apaisé, c’était tout doux et c’était bien. Le contre-temps qui a suivi ne fût qu’une frustration passagère, finalement facile à tolérer. Pour moi d’abord mais, en fait pour tout le monde aussi. C’était un rappel, c’est tout, un « je ne suis pas si loin » puisqu’à tout moment, il est possible de vous dire « je viens ».
Ne pas courir depuis si longtemps m’a coûté. Travailler mes faiblesses, mes incapacités, ne pas mener l’allure souhaitée sont pour moi des défis de tous les jours. Ici aussi, un vrai effort d’acceptation. Bien que j’ai sincèrement tout mis en oeuvre pour accrocher un nouveau dossard sur marathon, commencer un plan, réajuster ma nutrition, mon corps, dernier maître à bord a fait parlé un point d’acupuncture, m’a demandé du repos, encore un peu de repos, de prendre mon temps, encore et encore. Oui, on y va, mais ralentit, avance doucement, semble t-il me dire. Cette expression là, n’est plus si grave finalement. Elle me retourne plus le bide, malgré une digestion au départ difficile. Après coup, mon engagement tout entier dans ce projet qui n’ira finalement pas au bout m’a fait un bien fou. Me rêver en train de passer la ligne d’arrivée a suffit à me rappeler que j’en étais capable, et c’était bien plus puissant.
Des situations comme ça j’en ai des tas. Ce qui me frustrait d’emblée avant devient objet de construction. Du moins j’essaie de le transformer ainsi. J’apprends, chaque jour. Et je comprends comme faire des projets est important. Même s’ils ne vont pas au bout, je ne me culpabilise plus, ne me dévalorise plus non plus, j’apprécie simplement d’avoir pu me les imaginer.
Il paraît que d’un point de vue hormonal, préparer ses vacances génère plus de plaisir que le fait même de les vivre. C’est étrange n’est-ce pas ?
Alors usons de la visualisation, de voyages depuis un coussin de méditation. Sans en abuser car évidement, à tout projeter sans jamais rien réaliser, de sa vie, on passe à côté, on distend les relations, on perd le contact, on perd le sens, on perd le fil. De temps en temps tout de même, évidemment, foncer, se lancer, se jeter à l’eau. Mais ne pas trop se torturer d’une check-list qui ne sera jamais complètement cochée. Nous vivons dans un monde où tout semble accessible, avec pour preuve, les rêves des autres dans le creux de nos mains. Nous baladons nos doigts sur cet écran si pernicieux à nous montrer en permanence les autres. Parfois c’est inspirant, souvent ça inhibe, nous confronte à notre existence plus modeste, plus simplifiée que l’ensemble du fil d’actualité.
Éteignons tout, de temps en temps, fermons les yeux, laissons nous aller, partir, dériver, rêvons nous grand, au premier rôle, acceptons ce que nous souhaitons être, et incarnons le. Du baume au cœur de s’être vu ainsi. Ce rêve si bien mentalisé, commence déjà un peu à exister. La prochaine étape, peut-être, un jour, c’est qu’on se l’autorise pour qu’il se réalise.
La puissance du désir oui, ou quand l’idée simple du possible suffit.