PIC-PAC, PIC-PAC…

Séquence cinéma à la maison, sortez vos pop-corn du micro-ondes, posez votre plaid sur vos genoux, je m’en vais vous conter un de ces délicieux moments où ma bêtise atteint son apogée.

Par un petit jeudi d’Avril, jour 1 de ma 2ème cure de chimiothérapie, j’ai commencé à m’interroger sérieusement sur le visuel de mon PAC.

Parenthèse 1 : Le PAC, ou Port-à-Cath® le bien-nommé ou cathéter à chambre implantable, est un petit dispositif placé sous la clavicule droite, relié directement à une grosse veine, dans lequel on nous injecte la chimiothérapie, afin de préserver nos petits bras. Il est posé au bloc, sous anesthésie locale. Ce n’est pas franchement douloureux, disons supportable, bien que le moment ne soit pas le plus agréable d’une vie, je vous l’accorde.

Parenthèse 2 : Il me faut ensuite entamer un petit plaidoyer POUR les bons vieux points de sutures et leurs bonnes vieilles copines, les agrafes. En ce moment, une mode émerge, financée j’imagine par je-ne-sais-quel-labo-pharmaceutique, celle de fermer une plaie opératoire avec de la colle. Colle qui s’écaille toute seule en une dizaine de jours, ne nécessitant aucun soin, et donc se veut économe (SUR LE PAPIER). Cette méthode doit fonctionner dans certains cas, bien sûr. Seulement, de nombreux médecins constatent qu’elle transforme les plaies en cicatrices disgracieuses avec des risques d’infection, ce qui, on est bien d’accord, ne rime pas franchement avec une économie financière pour la Sécurité Sociale. Dans mon cas, outre l’aspect esthétique, combinée à un corps affaibli par les chimios, elle aura permis une belle porte d’entrée pour un germe, BIENVENUE A TOI LE STAPHYLO!

Mignon, non ?

Source http://thibaudmorcet.e-monsite.com/pages/content/les-bacteries-et-les-moisissures-les-plus-courantes-dans-l-alimentation/staphylocoques.html 

 

Parenthèses fermées.

J’ai rencontré des infirmières qui m’ont confirmé, elles-aussi, qu’effectivement ma cicatrice de PAC n’était pas jolie-jolie, que non-non, ce n’était pas normal d’avoir un point résorbable cherchant à valoriser ses talents d’imitation en poil incarné en sortant de ma cicatrice, que oui-oui la cicatrice en question n’était pas très bien fermée etc….

Néanmoins, comme je n’avais pas de fièvre, j’ai reçu ma troisième chimio et… je suis restée plus d’une semaine à attendre, tel Rocky encaissant les coups, malgré des douleurs croissantes au niveau du PAC, des sensations de brûlures de moins en moins supportables, des difficultés à bouger le bras, une induration et une rougeur de plus en plus alarmantes. Les cordonniers sont les plus mal chaussés (définitivement).

J’ai eu un RDV en urgence avec mon hématologue.

Joie d’être de nouveau dans une salle d’attente bondées de personnes âgées qui secouent la tête, navrées de me voir entrer, moi pauvre petite, avec mes cheveux courts et mon teint cadavérique, si jeune à leurs côtés. Et puis de nouveau, le petit droite-gauche, plus colérique cette fois, de me voir passer devant tout le monde, alors que mince, elle est arrivée la dernière enfin cette petite jeune !

Afin d’éliminer le risque de thrombose, on m’envoie faire une échographie en urgence. Ce serait dommage que l’AVC s’invite aussi à la partie. Et après de nombreuses heures d’attentes dans une salle surchauffée en compagnie de mes copains retraités depuis de nombreuses années, vaillants ou pas, sur leurs déambulateurs ou pas, (mon Dieu mais qu’est-ce que je fais là…) « jé tombé sour lé docteur vénou d’ailleurs qui m’oscoulte ». Adorable, ce monsieur. Souriant comme il le faut, gentil aussi mais qui « attention jé vé appouyer sour lé PAC »… RAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !! Je l’aurais mangé. Lui avec ses épices dans la voix et son regard compatissant. « Ca fait un peu mal ? » « Non, non, ça va… » moi fluette, laissant couler une petite larme…

Ses heures étaient donc comptées. Tel le tic-tac d’une bombe à retardement, j’attendais en crissant les dents, le moment où on allait me l’enlever. Et ce fût au-delà de tout. Un 10/10 sur l’échelle de la douleur. Malgré les trois injections de Xylocaïne, l’anesthésie n’a pas pris, on me l’a donc enlevé à vif. Je ne sais pas si vous la connaissez, cette douleur qui vous fait perdre tout self-control, mais c’était elle. Les yeux rougis, je suis retournée dans le service. L’infirmière m’a proposé un Doliprane. Je l’ai regardé, déconfite, mais je ne pouvais plus lutter… J’avais eu envie de manger trop de soignants pour la journée !

Je n’écris pas tout ça pour me faire plaindre, au contraire. Le corps a ses systèmes d’alarme qu’il faut savoir écouter. Rien ne sert de jongler entre la bêtise et l’entêtement, il est inutile d’attendre trop longtemps. Cette maladie est une véritable reconnexion avec ma petite enveloppe que je malmène tant. Sans devenir pour autant hypocondriaque, sachez repérer ces petits signes. Faire confiance à son corps, c’est bien, lui filer un coup de pouce, c’est mieux.

Avec toute ma bienveillance, « préné soin dé vous » (bis repetita).

Intuition.

Je savais, avant l’annonce du diagnostic, que ça allait être lui.

Je savais, avant même que ce ne soit écrit, que ça allait être toi.

On avait familiarisé déjà tous les deux, au détour de forums d’associations comme La Ligue ou à travers mes vieux cours, rangés, si bien cartonnés, que j’aurais cru ne jamais les relire. Plus je lisais, mieux je savais, sournois, que l’ombre qui se dessinait prenait ta forme. Mieux je percevais tes contours, moins j’avais peur, tu étais un adversaire à ma taille et l’armada médicale bien préparée à t’accueillir.

Ensuite, il y a eu différentes étapes (ceux qui ont côtoyé Elisabeth Kübler-Ross sauront de quoi je parle et pourraient, tels des détectives, identifier mes étapes de l’acceptation). D’abord, du déni, oh que oui, beaucoup de déni ! L’annonce à la famille comme étant un « petit cancerounet » (ce qu’il est objectivement à l’échelle de tous les cancers) avec une « petite chimio ». Mon manque de compréhension face au désarroi de mes proches, « mais enfin c’est pas grave, pleurez pas, c’est qu’un petit cancerounet ! ». J’ai cru aussi pouvoir continuer mon travail à temps complet, dans un milieu hospitalier donc hostile à mes pauvres globules blancs restants, en rythme décalé malgré la fatigue, mignonne que je suis… J’ai essayé de négocier avec moi-même, de modifier mon planning pour que les dates s’accordent bien. Et puis la gifle, LE coup de fatigue (non Aurélie, on ne peut pas enchainer une nuit de travail, une pose de PAC et retourner travailler le soir même, veille de sa première chimio, non, non, non…) qui a donné une tournure plus difficile à la douleur et ouvert les vannes, enfin. Chiale un bon coup ma grande, ça ira mieux après et remonte en selle !

Dans mon cheminement, je n’ai pas été fataliste, j’ai essayé de fuir les raccourcis, aussi vite que possible, de ne pas trop me demander « pourquoi moi » ou de me dire que c’était injuste, que je ne méritais pas ça, que merde, j’avais une hygiène de vie anti-cancer, que je ne fumais pas, que je courrais tout le temps, qu’en plus j’étais végétarienne parce que je ne voulais pas tuer pour vivre, et que je donnais de mon temps aux autres, j’en avais même fait mon métier, décidément la vie ne me rendait pas mon dévouement envers elle.

Comme de petits flashs, ces quelques pensées auraient pu devenir des ruminations. Or, elles nous desservent.

J’ai préféré y voir un apprentissage, comme chaque difficulté rencontrée, une nouvelle manière de devenir un peu plus le « meilleur de moi-même », de gagner, par exemple, en tolérance et en compréhension ou de prendre un peu plus soin de cette belle enveloppe qu’est le corps, formidable monticule de cellules, fourmilière besogneuse que je malmène parfois.

Mon arrêt maladie me permet de prendre du recul sur ma vie, mes projets, mes désirs. D’être.

Si vous êtes bourrins comme moi (bélier ascendant bélier, admirez le tableau), sachez vous arrêter, vous poser pour mieux faire le point. C’est dur mais c’est possible et ça vaut le coup, quelque soit la taille de l’épine dans votre pied.

Belle journée à vous, prenez soin de vous (bis).

Namasté.

Source : pinterest

Et un, et deux, et la boule à zéro ?

« Avec les cheveux courts, tu vas gagner un temps fou, tu sais ! »

Gain de temps, gain de temps… 20 minutes à me tordre le cou devant le miroir et à essayer de me donner une contenance. Dire que j’ai un épi serait minimaliste, ma tête est un champ de blé. C’est qu’en plus, il faut l’apprivoiser celle qui me regarde dans le reflet ! Depuis mes sept ans, mes cheveux longs font parti de ma quête d’existence alors si jolie soit-elle cette coupe, elle est compliquée à associer à mon identité !

Flash-back.

Après l’annonce du diagnostic, rendez-vous avec l’hématologue. Au milieu de moult choses, elle annonce : « il va falloir couper vos cheveux ». Je le savais, bien sûr que je le savais. J’ai feint, minimisé cet impact, vanté l’aérodynamisme que je gagnerai en course à pied mais l’air de rien je n’aurais pas cru que ce soit autant marquant. De le vivre, j’entends.

Je crois que d’avoir organisé ces coups de ciseaux en chemin balisé m’a aidé. Je conseille d’ailleurs à ceux concernés d’y aller par étape et en douceur, de s’entourer de la bienveillance d’un coiffeur qu’on aime et en qui on a confiance. Et puis d’immortaliser en photo et de le partager ! Oui, parce que les cheveux, c’est aussi notre image et donc l’amorce de la discussion avec les autres, cette maladie, on ne peut plus vraiment la cacher. Pour ma part, mes défunts centimètres capillaires ont eu un effet boule de neige et m’ont permis d’annoncer mon petit souci de santé à mon entourage professionnel et amical, plus ou moins lointain.

Pour en revenir à la pratique, s’il faut couper ses cheveux, c’est parce que l’un des produits de la chimiothérapie les fait tomber. Vilain.

Le moyen de prévention s’appelle le casque réfrigérant. Que lumière soit faite ! Il ressemble plutôt à un bon vieux casque de rugbyman (ou bonnet phrygien) (de couleur criarde, c’est préférable) qui a passé sa nuit au congélateur, que l’on vous pose sur cheveux mouillés à l’eau froide surmontés d’une petite charlotte bien maintenue par un garrot noué sur le front. Alors, on est pas bien là ?

S’il s’apparente à une méthode moyenâgeuse, il est en fait ingénieux ! L’idée est de limiter la diffusion du produit dans les petits capillaires en provoquant une vasoconstriction grâce au froid. Il faut le porter une petite heure. Donc même s’il nous ridiculise et torture les migraineux, on peut en rire et il gagne à être essayer.

Après deux séances de chimiothérapie, mes cheveux sont encore là. Ils tiennent bons eux-aussi. J’en perds des dizaines à chaque shampoing mais rien d’alarmant pour le moment, qui sait ensuite ?

Quoi qu’il en soit, cette coupe de cheveux aura eu un effet libérateur sur moi.

Peut-être parce qu’elle m’a aidé à sortir de mes représentations.
Peut-être parce qu’elle m’a permis de comprendre que la beauté, ce n’était pas que ça.
Peut-être parce que Mulan s’est coupée les cheveux pour partir à la guerre.
Peut-être parce que mon père m’a appelé Madame.
Peut-être parce qu’on m’a dit que j’étais jolie et que ça faisait longtemps.

Finalement, ce n’est pas si grave, on peut s’aimer en toute circonstance. Comme ceux qui vous aiment vraiment, indépendamment de la longueur de vos cheveux !

Donc : AIMEZ-VOUS, vous le valez bien 😉

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